Préambule
L’écriture et les exemples cliniques qui sous tendent ce texte ne se veulent pas tant une théorisation que l’exposé de faits cliniques. Je vous propose de les lire, d’écouter aussi leurs résonances en vous, pour saisir cette expérience que Jung conceptualise par une hypothèse qu’il nomme le Soi. Ce texte rend compte d'une approche sensitive et perceptive, en grande partie phénoménologique, où des sensations, des émotions, des sentiments et des intuitions constituent autant de faits qui mobilisent la conscience ainsi qu’une pensée descriptive.
Il appartient donc dès lors aux lecteurs, à ceux qui écoutent en eux mêmes, d'y porter la pensée afin d'aller au-delà des phénomènes observés (l'objet de ce texte), pour créer une théorie, une explication qui rende compte de ces faits observés. Ainsi ils continueront l'esquisse présentée par ce texte, plus proche de l'art (la psychanalyse est un art), de la poésie, de la musique, de la peinture ou de la sculpture, que d'un discours rationnel soutenu par une pensée réflexive. Car l’observation attentive des faits forme la première étape de la démarche scientifique (l'ambition de ce texte), ouvrant à la possibilité de penser ces faits et forger des hypothèse sur leurs agencements. Cette étape de penser les faits se réalise à plusieurs. Il s’agit d’un travail ardu, collectif, d'échange de la compréhension de ce qu’avance l'autre et de mise en tension des différences. A vous de jouer cher lecteur, à vous de jouer cher auditeur, avec vos stylos ou vos souris. Penser à plusieurs se réalise dans les interrelations avec les autres chercheurs, avec ce qu’avancent les autres, présents ou représentés par leurs propres textes.
le Soi
Le Soi est un terme proposé par Jung pour communiquer l'expérience clinique qu'il a faite d'un organisateur central de la vie psychique. Le Soi s'expérimente tout au long de la vie comme un autre au cœur de nous-même. Tantôt il se manifeste comme une présence bienveillante, tantôt comme un contradicteur ou même un adversaire de la position du Moi.
Que signifie « expérience » ?
Il ne s'agit pas de l'expérimentation d'un observé par un observateur. Ce n'est pas "Experiment" mais « Erfahrung » dont il est question, c’est-à-dire un vécu dans lequel l'observé et l'observateur sont la même personne.
D'où découle que des concepts empiriques tendent à rendre compte de cette « expérience ». Ils énoncent des "ressentis" et essaient de formuler des phénomènes qui opèrent. Ils se déroulent au sein d’un "Moi conscient", dans un "champ de conscience".
Le mot "centration" exprime l'un de ces ressentis, comme formulation qui rend compte du vécu d'équilibre temporaire entre "les opposés" qui animent la vie intérieure. C’est aussi la formulation qui rend compte de la constitution d’un espace psychique, lieu de cette vie intérieure.
D’autres mots viennent pour qualifier cette expérience : silence, paix, joie, être, unité, entièreté, relié (et non fusionné). Il ne s'agit en aucune façon du vécu d’un centre du Moi, mais du vécu d’un centre, le Soi, dont la conscience est témoin, témoin aussi de la relation du Moi au Soi, même si c'est paradoxalement le Moi qui fait l'expérience de cet Autre avec une majuscule. Témoin du lieu de cet Autre, témoin de la relation à cet autre.
Cette expérience s’avère relativement objective, pour deux raisons : elle peut se reproduire dans diverses circonstances, repérables, y compris dans leurs aspects périlleux. En outre, quelqu'un qui l'a déjà faite peut la sentir en cours chez autrui, probablement à cause de la sensibilité particulière au numineux que cette expérience, intégrée consciemment, développe.
NB : Numineux » est un mot qui vient de numen par distinction avec « phénomène ».
En d'autres termes, celui ou celle qui a l'expérience consciente de la relation de son Moi avec le Soi, peut sentir chez l’autre, par empathie, le déroulement de "l'expérience du Soi ». Sentir et participer au vécu de l'autre sans confusion entre le moi et le toi. L'autre est vécu se centrant, ou centré, ou unifié, ou saisi par le numineux.
Cette "expérience" constitue également, comme je vais l’illustrer, en une expérience du corps, dans le corps, une expérience dans un champ de conscience du corps, mais aussi dans un champ archétypique.
Mais écoutons maintenant la clinique.
Expériences d’enfance.
Brune, petite fille de cinq ans, précoce, visage rond et yeux noirs pétillants de malice, se présente à la consultation avec ses parents. Ils expliquent qu'ils se séparent, non pas parce qu'ils ne s'aiment plus, ou qu'ils se disputent tout le temps, mais parce qu'ils ont à vivre d'autres relations. Ils constatent que la leur est finie, du moins dans la forme qu'ils lui avaient donnée. C'est très difficile pour eux, c'est une sorte de pari sur la vie. Toutefois, ils ne consultent pas pour eux mais pour leur fille parce qu’ils s’inquiètent qu'elle fasse les frais de leur fidélité à eux-mêmes.
L'enfant déplore la situation de ses parents, leur séparation et s'inquiète devant moi de la possibilité de continuer à rencontrer son père et sa mère, de rester en lien réciproque avec chacun d'eux :
« Papa, à ta nouvelle maison, est ce que je pourrai aller te voir et rester un peu avec toi ? Est-ce que je pourrai revenir chez Maman si je veux ? »
La présence de l'autre femme du père ainsi que la présence d’une problématique œdipienne relancée par la séparation des parents ne sont pas étrangères à une réelle anxiété, discernable à l'exclamation et au timbre de la voix :
« Maman est ce que tu pleureras si je suis chez Papa ? »
L'enfant ne comprend pas toujours que ces pleurs sont liés à ce qui se passe entre les parents. Si elle le comprend, elle ne veut pour autant pas s’immiscer entre eux, ni rajouter à leur souffrance.
Après ces échanges et bien d'autres qui servent à éclaircir la situation et rassurer l'enfant sur le présent et l'avenir, elle dessine spontanément :
Un arbre, une maison, des fleurs, un soleil et des nuages, dont l'un est au-dessus de la maison avec un caractère orageux très prononcé, traduisant le conflit, qu'elle vit en elle et dans la réalité, et la difficulté de penser ce qui se passe. Elle dessine ensuite, après une courte pause, un Papa et une Maman avec un espace entre eux. Il semble qu'ainsi elle manifeste, qu’elle intègre ou essaie d'intégrer les explications sur la séparation, fournies par les parents : des paroles qui crééent du sens et permettent de contenir.
Après un long moment de silence, un soupir, elle dessine dans cet espace entre les parents, un rocher. Elle s’attarde sur la graphie de ce rocher, manifestant par et dans sa concentration une tension toute particulière, une qualité de silence, qui correspond d’après mon expérience à un vécu de "numineux".
"Le rocher" exprime ce qui est solide, ancien, ce qui fonde un édifice, (la première pierre, construire sa maison sur le roc). Le rocher, la pierre, sont dans les rêves, les contes, les mythes, les religions, des représentations du Soi comme "unité fondatrice de la personnalité".
Le "numineux" ressenti dans la relation qui accompagne cette image, témoigne du caractère "sacré" qui saisit, s'impose à la conscience et au Moi. Il témoigne de l'énergie, de la force et de l'intensité de l'inconscient présent dans cette image qui deviendra symbole au cours de la séance, dans le champ d'écoute proposé par l'analyste.
L'enfant ne pouvant plus s'appuyer sur l'unité qu'elle ressentait ou projetait sur ses parents, ("Le parent" dirait Françoise Dolto), bien qu'elle puisse s'appuyer sur chacun d’eux séparément, découvre, réintègre l'unité à l'intérieur d'elle-même, dans le vécu qui accompagne la mise en image, la mise en représentation.
Cette mise en représentation mobilise tout particulièrement l'enfant, dans son corps, par sa concentration et par ses émotions. Ce qui solidifie l'enfant, la sécurise, c'est ce qu'elle place dans l'espace entre les parents.
C'est sur le plan intra-psychique, dans le champ archétypique du Soi comme centre, qu’est faite pour elle l’expérience d'une centration entre les deux imagos parentales, qu'il relie et soutient. Cela a l'avantage, outre un retour à la sécurité et à l'unité, de permettre à l'enfant de sortir de la culpabilité primaire, de l’interprétation narcissique « d'être un mauvais objet ». Elle peut commencer à ressentir que la source de l'amour étant en elle, il est légitime que les parents qui ont fait leur part en la mettant au monde, puissent penser à eux après cela. C'est de ce fait un élément de différenciation, que l'image du Soi introduit, la non-confusion du je et du tu, (les parents et chaque parent).
Grâce à la relation d'altérité à l'analyste, du fait de la projection partielle du Soi sur l’analyste, qui réunit les parents, qui contient les affects en prêtant par empathie son corps, et qui prononce des paroles qui distinguent et nomment, grâce à sa compétence personnelle, l'enfant s'autorise à vivre l'axe Moi-Soi.
Cette petite fille se permet l'expérience du Soi, sans en être pétrifiée. La pétrification illustre dans les contes de fées le fait de la confusion du Moi et du Soi et par conséquence l'arrêt de la dynamique de vie, lorsqu’une conscience n’est pas là pour permettre la différentiation entre le Moi et le Soi.
Mais si le risque de pétrification est écarté, interviennent aussi des inconvénients. Le Moi de cette enfant, encore bien fragile, a risqué le morcellement à la suite de la séparation des parents. De l'inconscient a surgi le Soi, qui a combattu ce risque.
L'image numineuse avec son vécu de force et d'unité, a certes fait enveloppe, mais elle est aussi porteuse du double risque d'inflation et de perte d'identité. Ce risque se manifestait pour cette enfant par des conduites d’agitation et des troubles du sommeil.
Illustrons ce risque par un autre exemple :l''enfant C.G. Jung a fait également ce type d'expérience avec la pierre comme symbole du Soi
Les conditions de vie familiale de C.G. Jung étaient assez semblables à celles de la petite fille : séparation des parents, bien que probablement moins explicitée par des paroles d’adultes et de ce fait plus angoissante.
Jung situe cet épisode de sa vie entre sept et neuf ans. Ses parents faisaient chambre à part depuis qu'ils ne s'entendaient plus. Il décrit qu'il y avait alors pour lui un risque de "dissociation ou de dédoublement de la personnalité." Voici ce qu’il écrit de son expérience d’enfant (1)
« Au-delà de ce mur, une pente dans laquelle était enfoncée une pierre faisant saillie -ma pierre. Assez souvent, lorsque j’étais seul, je m’asseyais dessus et alors commençait un jeu de pensées qui prenait à peu près la forme suivante : ‘’Je suis assis sur cette pierre. Je suis en haut, elle est en bas. ‘’
Mais la pierre pouvait tout aussi bien dire : « Moi, je… », et penser : « Je suis placé ici, sur cette pente, et il est assis sur moi. » Alors se posait la question : « Suis-je celui qui est assis sur la pierre, où suis-je la pierre sur laquelle il est assis ? » -- Cette question me troublait chaque fois ; je me redressais, doutant de moi-même, me perdant en réflexions et me demandant : « Qui est quoi ? ». Cela restait obscur et mon incertitude s’accompagnait du sentiment d’une obscurité étrange et fascinante. Mais ce qui est indubitable, c’est que cette pierre avait avec moi de mystérieux rapports. Je pouvais y rester assis des heures entières, tout envoûté par l’énigme qu’elle me posait. »
Chacun des deux enfants a utilisé la pierre comme image du Soi. Ces deux enfants ne se trouvaient pas dans les mêmes conditions d'expérience. L'enfant Jung était seul, la petite fille dans un champ relationnel, entourée de ses parents et en face de l’analyste. C'est toute la différence. Car lorsque l'inconscient propose une compensation archétypique, telle que celle-ci, une compensation qui tend à maintenir ou à restaurer le vécu d'unité, il faut encore que cette proposition soit accueillable, et accueillie par une conscience, c'est-à-dire par une perception humaine et une parole humaine, pour que l'image devienne symbole.
A défaut, le contenu inconscient peut submerger le Moi, ce qui va alors provoquer une inflation, c'est-à-dire remplacer les caractéristiques de limites et de fragilité du Moi par un vécu de toute puissance et le vécu d'illimité du Soi. La submersion du Moi peut aussi induire une perte d'identité.
Dans une situation de vie extrême, le Soi dé-intègre une défense qui se fixe, quand l’enfant ne peut s’adapter ni mettre du sens. Cette défense a une valeur d’interprétation, mais elle est erronée. Pour l’enfant Jung cette défense se situait sur le versant schizoïde et pour la petite fille sur le versant maniaque.
Pour la petite fille, le risque d'inflation maniaque serait qu’elle prenne sous l’effet de la compensation de sa dépression - sous l'action du contenu inconscient -, le dessus sur ses parents. Elle se sentirait alors supérieure à eux et investie d'une autorité. Elle chercherait à porter ses parents, à les consoler, ou à les réconcilier en niant la réalité extérieure.
Pour l'enfant Jung, le risque qu'il exprime par ce qu'il a ressenti durant cette expérience, c'est la perte d'identité : "Qui est quoi"? Le sujet est ramené à une chose. "Obscurité et incertitude, fascination" témoignent du risque de dissolution du Moi ou de dissociation de la personnalité, du risque schizoïde.
Faire l’expérience du Soi n’est donc pas une situation forcément enviable et j’attire votre attention sur la nécessité de ne pas l’idéaliser.
Pour que cette expérience soit profitable, elle doit s’épanouir dans une relation humaine qui lui redonne limite, valeur et sens. La plupart des contes de fée qui abordent le thème de la « résilience » montrent qu’un adulte ou un animal, ou un personnage hors du commun, vient permettre d’humaniser cette expérience qui sinon entraîne celui qui la fait vers le grandiose.
L’absence de personne secourable entraîne vers la constitution d’une défense du Soi. Lorsque la réalité de vie est terrible - violence, inceste, abandon -, le Soi dé-intègre comme pour la petite fille ou comme pour C.G. Jung, une représentation du Soi. Mais lorsque l’enfant est plus jeune, le Soi peut dé-intégrer un schème de comportement qui va lui permettre, en se protégeant, d’échapper temporairement à la destruction psychique.
Selon l’âge et l’évolution de l’enfant, cette dé-intégration peut correspondre à :
- Une défense autistique qui enferme la peur ou la haine que suscite l’environnement, derrière une barrière d’incommunicabilité.
- Une défense mélancolique qui, pour aider à supporter l’abandon, l’absence de l’autre, va isoler de cet autre par un comportement de plainte et d’appel au secours dans le jeu avec la mort et la destruction.
- Une défense schizoïde, qui va pousser à s’annuler face à l’autre et au monde insupportable, en morcelant son identité ou, moindre mal, en la dissociant.
- Une défense paranoïaque, qui va exiger en secret l’annulation de la différence. Différence des sexes mais aussi différence des destinées individuelles.
- Une défense maniaque qui va tenter par une intense agitation et activité, avec une grande dépense d’énergie, de modifier l’environnement mais cela de façon incohérente, au lieu de s’adapter soi-même à l’environnement.
- Une défense phobique, qui va organiser une fuite systématique face à l’autre, face au fantasme, face à la représentation de l’autre devenue inconsciente.
Si une relation humaine ne vient pas très vite réintégrer la relation moi Soi, moi Toi, la défense va se fixer et la maladie psychique se développer.
Boris Cyrulnik (2) cite le cas d’un petit garçon battu par son père, qui réussit à s’échapper de la cave où il était enfermé par celui-ci et qui à repris vie, a retrouvé la sensation de contact avec la vie grâce au don d’une pomme et au don de la chaleur animale, permise par une femme. C’est de ré-expérimenter l’amour avec son corps, ses sensations, son regard, la parole et ses émotions qui permet de quitter cette défense du Soi, laquelle isole de l’humain et de la vie. Cet amour est expérimenté parfois en relation thérapeutique dans le transfert-contre transfert.
Mais qu’est-ce que l’amour en de telles situations thérapeutiques ? C’est, je le constate, l’écoute ensemble, à deux, du lieu de la souffrance, du lieu où se tient le vécu inhumain. Je souligne "ensemble", même si parfois il est nécessaire que le thérapeute passe par le don, pour renouer avec l’humain détruit.
Cette écoute n’est pas simplement celle du langage, elle est une écoute du corps, des émotions par empathie, par sensitivité. Le thérapeute écoute avec tout son corps et ses émotions. Sa conscience est présente dans cette écoute, une conscience qui dit "oui" et qui est sans jugement.
Le processus de mise en route des défenses du Soi s’est déclenché car l’enfant n’avait pas les moyens de dire « oui » à ce que son environnement lui proposait. C’est ce « oui » dans l’écoute du thérapeute et progressivement, par voie de conséquence, le « oui » du patient, qui va permettre au sein de l’adulte, d’accueillir cet enfant figé dans une défense du Soi. Il s’agit d’un accueil par les deux adultes. D’une part, le thérapeute étayant le moi fragile du patient et d’autre part, le patient accueillant dans sa partie adulte et saine.
Le patient se soigne, à partir de sa résilience car le thérapeute est là qui dit : « oui, et maintenant qu’est-ce que vous en faites? » Alors, peut surgir d’au-delà de ce lieu de destruction, le Soi d’avant la mise en place de la défense et il est possible dans l’écoute, d’en faire l’expérience. En voici une illustration que j’ai intitulée :
Et s’il était possible de quitter l’enfance souffrante ?
Jocelyne est une femme d’une cinquantaine d’année, ayant vécu et aussi déjà beaucoup travaillé sur elle. Elle possède une connaissance des termes jungiens. Après quelques mois en face à face, elle s’exprime dans le transfert :
"Vous avez dit lors de notre dernier rendez-vous : « émergé ». Je lui réponds : « Oui je me souviens c’était en fin de séance et je reprenais ce mot que vous veniez de prononcer. »
En effet, j’avais repris ce mot, car quand elle l’avait prononcé, ce n’était pas seulement dans sa voix un espoir mais une volonté, une acceptation de l’inévitable de la naissance hors du complexe mère. Mais ce n’étaient pas seulement ces pensées qui m’avaient fait reprendre « émergé », c’était le vécu émotionnel et physique du fait qu’elle pouvait naître hors de l’espace de mon corps et de mon attention, que je pouvais lâcher subtilement la perfusion que je maintenais depuis longtemps dans le transfert. C’était une sensation ainsi que la vision qu’elle pouvait se mouvoir dans l’espace psychique entre nous.
« Eh bien, reprend-elle, cela a fait de l’effet car depuis des mois j’avais toutes les articulations douloureuses, en partie bloquées et le matin de la nuit après notre dernière séance, j’étais déliée, c’est cela l’analyse, retirer les liens ! Là, j’émerge, dit-elle, en désignant l’espace entre nous. Je réalise combien ma mère me maintenait dans des chaînes dans son ventre. J’avais perdu ma liberté. Je brise mes chaînes et c’est incroyable l’énergie que j’ai depuis ; je règle des trucs que j’avais laissé traîner depuis longtemps. En fait, j’étais prisonnière dans la tête de ma mère, j’étais esclave de ma mère, et quand j’en rêvais, je courais devant une silhouette qui me poursuivait et je faisais du sur place. Il me vient qu’enfant, ma mère me réveillait la nuit pour me dire ses affaires de cœur et ses malheurs.Du coup, je m’aperçois que je mange moins, ma mère ne me préoccupe plus autant. J’avais plein de désirs et n’avais pas le droit de les vivre dans les pensées de ma mère, dans ses paroles aussi et dans sa dévalorisation chaque fois que je faisais quelque chose de personnel. A l’intérieur ce qui pousse à émerger, c’est le Soi et vous avez repris ce mot émergé et là je l’ai entendu. Il y a deux jours, j’ai pelé la peau du visage, ma mère se réjouissait de mes boutons, je m’en fiche maintenant ; c’est comme de mon poids et figurez-vous que j’ai rêvé que je retrouvais mon pouvoir de séduction. Je comprends que si je quitte le regard de ma mère et que j’accepte celui de l’homme, je vais pouvoir me mouvoir dans la relation à l’homme. Je quitte l’injonction : « Ne sois pas belle, ne séduis pas ».Cette semaine j’avais envie de changer ma garde-robe, depuis longtemps je ne trouvais rien à mon goût ; cette semaine j’ai retrouvé l’envie et le goût et chose surprenante, j’ai trouvé des vêtements. Le poids m’en empêchait. C’est comme si la machine se remet en route, le Soi remplace l’automate. C’est une prise de conscience de tout mon être. Je sors de la fatalité de ma mère et de ma grand-mère. Je renais et pas comme à ma naissance où la sage-femme m’avait tiré par un pied. »
C’est cela quitter la défense du Soi, c’est quitter l’automate qui fait que le comportement est toujours identique et défensif quel que soit l’environnement et les circonstances. Et cet automate s’était mis en place face à un vécu de mère abusive, face au schéma que cette mère véhiculait et dont elle était elle-même victime. Face à cette envie qui détruisait et paralysait sa fille ; envie mise en place, car elle-même, cette mère, n’avait pas accès à l’axe moi Soi. Mais quitter l’automate ce n’est pas encore faire l’expérience du Soi.
Illustrons cette étape suivante avec quatre exemples cliniques, deux où le Soi fait irruption, et deux où le Soi se présente comme un murmure.
Le Soi se présente comme une irruption
Georges, un homme de trente-six ans, apparemment bien inséré dans sa profession et dans sa famille, vient de perdre une amie à laquelle il était très lié. Il se trouve dans son deuil comme séparé de tout, séparé des autres, séparé du monde, seul, ayant perdu tout goût de vivre, immobile et glacé, n'ayant même plus la force de penser au suicide, qu'il a retourné en lui-même comme la seule issue.
Quelque chose est en train de mourir de l'attachement à la mère et de la projection de l'anima sur cette femme. Il le comprend. Dans cet expire, pendant quelques heures, à la fin d'une promenade en montagne qui a apaisé son corps fatigué de manque de sommeil, il fait l'expérience suivante:
Il s'est assis sur un rocher et contemple la pente devant lui qui descend doucement vers la vallée. Il y a une prairie, des arbres, un gros hêtre centenaire. Tout à coup le silence intérieur, impressionnant, s'empare de lui. Il entend le chant des oiseaux et les stridulations des insectes, les mille bruits de la nature vivante, avec une acuité extraordinaire, distinguant chaque son individuellement et distinguant l'espace entre chaque note. Parallèlement sa vision se transforme au point de percevoir les vibrations de l'air, les couleurs et la lumière comme une densité, une épaisseur jusque-là insoupçonnée. Un sentiment de paix, d'harmonie, de plénitude, s'empare de lui. Lui qui se sentait si seul est tout à coup relié intensément à tout ce qui palpite et vit. Lui qui était glacé retrouve la chaleur et la vibration d'une vie intense, une solidité intérieure faite de mouvement, une participation corps et âme à la nature.
Dans cette expérience, l'émergence du "numineux" se constate par la transformation de la perception de la réalité. Cette émergence s'explique d'une part par "l'abaissement du niveau mental", dû à la fragilité du Moi de cet homme, affaibli par la fatigue du corps, et l'épuisement psychique, et d'autre part par l'assaut de l'inconscient, du Soi, qui cherche à compenser sa détresse.
Entendez "niveau" comme niveau d'intensité de l'énergie, qui sert à maintenir la cohésion du Moi face aux forces centripètes et au morcellement constitutif de la psyché. Dans de telles conditions, l'inconscient n'a pas de mal à envahir la conscience et le Moi, tant au niveau du corps, qu’à celui des représentations. Les défenses du Moi sont affaiblies.
L'inconscient n'envahit pas d'une façon chaotique comme dans une bouffée psychotique, car il y a une conscience qui fait l'expérience. Il l'envahit dans une compensation et/ou une régression. Là où le vécu d'Eros disparaît avec son support de projection - la perte de l'amie -, l'inconscient propose la mise en place d'un lien d'éros collectif, à la "mère nature » mais aussi à la nature comme Soi. C'est une régression à la "bonne mère monde" qui fournit une bonne enveloppe. La voix, la présence et l'image de l'être aimé sont remplacées par les sons, les images de la nature et la Présence dans le silence.
Pour la petite fille, le rocher représentait aussi une régression à l'unité de ce qui est avant les parents différenciés. Pour l'enfant Jung, la pierre représentait la solidité, avant la solidité du Moi. Pour cet homme enfin, l'expérience de la nature, telle qu'il l'a faite à ce moment particulier, représente l'avant d'une relation d'éros personnel.
Lorsque le Moi ne tient plus, c'est l'archétype qui peut surgir, expérience d'un ordre avant l'ordre du Moi.
Avant d'être une tige consciente et individuée issue du rhizome humain, (métaphore de Jung), chacun participe à ce collectif souterrain naturel, dans lequel il peut, dans le meilleur des cas, reprendre, re-puiser, force et assurance, comme Antée, et revenir comme au sein d'une matrice, avant de renaître. Ce n'est pas sans danger. Le risque est de se complaire dans cette régression, ou de se perdre dans le labyrinthe de l'infantile et du collectif. Un sacrifice de la libido régressive est nécessaire pour renaître, ce qui suppose de garder sa conscience et d'incarner le nouveau dans la réalité, sans perdre - et j’insiste là-dessus -, sans perdre la conscience de sa fragilité et de sa blessure.
Cette expérience proposa à Georges un regain de vie, une réassurance, un nouveau printemps, en le reliant à ses racines profondes, car il avait une conscience pour accueillir et critiquer l'expérience. Elle a été salvatrice grâce au dialogue conscient-inconscient, grâce au rétablissement de l'axe-Moi-Soi, au retrait de la projection de la partie positive du complexe mère qui était dissocié.
Il n'a pas cru que "cela était arrivé", il n'a pas nié le caractère subjectif de cette expérience, il n'a pas dissout la distance par rapport à son vécu.
Chez quelqu'un de moins conscient, une telle expérience aurait pu tirer hors de soi-même et inviter à rechercher le renouvellement de celle-ci ou son prolongement par des paradis artificiels, pour retrouver ou maintenir la béatitude. Par son attitude de conscience, Georges quitte le monde des mères et la revendication d'être porté. Il assume les opposés du complexe mère et passe de la dépression à une position dépressive. Il accepte de naître une seconde fois. Par ce sacrifice, il gagne en conscience, en objectivité. Il éprouve et se trouve pleinement dans son centre, et cela est observable de l'extérieur par quelqu'un qui se trouve centré.
Nathalie, une femme de trente-deux ans, belle, dynamique dans son métier d'enseignante, vient de partir de chez elle, laissant tout : la maison, ses deux enfants réfugiés chez la grand-mère paternelle, son mari qui boit, la trompe et la bat. Elle est partie comme dépouillée, nue, avec une valise pour tout bien. Elle est groggy, manquant de sommeil, cela pleure en elle, à l'intérieur comme à l'extérieur. Elle se sent dévastée, le cœur au bord des lèvres, le corps crispé par les tensions et les douleurs des coups répétés, les émotions tumultueuses comme un océan en furie.
Elle passe devant une église, s'arrête, hésite, puis pénètre sous la voûte, s'assoit dans la fraîcheur et la pénombre. Le silence fait un écho désagréable au vide nauséeux qui l'habite. Elle reste là effondrée, immobile. Une heure passe. Peu à peu le silence et la pénombre calment ses nerfs, détendent ses yeux, apaisent les battements affolés de son cœur, arrêtent ses pensées obsessives.
Soudain l'orgue derrière elle entonne le morceau célèbre "Jésus que ma joie demeure" de Jean Sébastien Bach. C'est en elle un éclatement de joie intérieure. Une certitude frémissante que la vie continue. L'énergie est là, le cœur explose d'élan d'amour et de vitalité, le ventre se remplit de force et de solidité. La respiration se fait profonde et sensuelle.
La peine et la souffrance sont toujours comme une agonie, mais en contrepoint il y a cette immense joie dans le cœur, qui ne dissout pas, n'évite pas la souffrance, mais se place en face, qui n'annule rien mais relativise, qui n'endort pas mais au contraire éveille à un regard aigu sur la vie, sa magnificence et son horreur. Elle se sent recentrée, dégagée et libre, elle se sent enracinée dans l’Être. Tout n’est pas terminé, elle va avoir à incarner ce nouveau regard au quotidien et, s’appuyant sur cette expérience, elle va avoir à lutter contre l’ancien vécu persécuté qui va revenir encore et encore à l’assaut de sa conscience, et ceci dès qu’une circonstance va rappeler son ancienne situation de femme aux prises avec le schéma de couple dans la perversion narcissique.
Le Soi se présente comme un murmure.
Noëlle n’arrive pas depuis des années à rencontrer un homme avec lequel elle reste plus de quelques mois et c’est la raison de sa deuxième tranche d’analyse avec un psychanalyste homme. Nous avons longuement pendant deux ans travaillé la relation au père, à l’imago paternelle dans le transfert. Il y a deux mois, elle a fait une rencontre qu’elle reconnaît comme différente, il ne s’agit plus de se faire reconnaître, ni de mener un combat. « C’est vraiment un ami » dit-elle, et elle se met à espérer... Mais cette semaine, dit-elle, toute en larmes silencieuses, « il m’a quittée, et je ne comprends pas ce qui m’arrive, je ne suis pas en colère, ça ne se révolte pas en moi, je ne hurle pas. » Cela ne fonctionne plus sur un mode persécuté, mais cela pleure doucement et je n’ai pas la sensation de vide, il y a un plancher au fond de mon creux, une douceur au fond de moi et c’est la première fois que j’envisage de prendre soin de moi. Et c’est la première fois que j’accepte la solitude et le silence, que je ne cherche pas un point d’appui avec des amis. Je vis une sensation de légèreté. Je crois que cet homme m’a apporté de l’enveloppe, et elle tient. Ses raisons de me quitter sont les siennes et en aucune façon des attaques contre moi, ou contre mon image. Pour la première fois j’ai dit à des amis que j’ai été quittée ; d’habitude je mentais disant que c’était moi qui quittais. J’ai une sensation d’authenticité, d’être et plus une sensation d’exister ou non dans le regard d’autrui. »
Mathilde, une femme de 35 ans, arrive ce soir toujours aussi lumineuse, mais contrairement à son habitude, tout habillée de noir. Le silence s’installe, à peine troublé par la respiration de la patiente. Des larmes coulent silencieusement sur ses joues, entre ses mains qui tiennent son front apparemment douloureux : « J’ai envie de mourir, je ne sens plus mon corps, mon désir, j’ai perdu mon âme et je n’arrête pas de la chercher ».
Un long silence puis à nouveau sa voix infiniment triste : « J’ai perdu l’amour, ma capacité d’aimer, mon fils, mon mari, les autres. Je rayonnais d’amour, et cela depuis que j’étais petite…C’était super ».
En effet, lors des séances précédentes nous avions compris que cette capacité extraordinaire d’aimer s’était emparée d’elle vers l’âge de 5, 6 ans lorsque son père et sa mère s’étaient séparés après des scènes d’une rare violence dont l’enfant avait été témoin à répétition. Elle avait perçu les pensées et entendu des paroles meurtrières qui avaient provoqué en elle des troubles de l’image du corps comme si elle ressentait en permanence avoir deux corps, l’un plus petit à l’intérieur de l’autre plus grand.
Le soi avait dé-intégré -c’est l’hypothèse que je vous propose -, sa composante d’amour inconditionnel. Le problème est qu’elle était identifiée à cette composante et vivait depuis des années non comme une humaine mais comme une déesse, comme Aphrodite.
Des rêves lui avaient montré que cet immense amour avait une ombre gigantesque, celle d’un immense dragon qui, d’un seul regard, ou d’une seule parole pouvait calciner son entourage. Cette toute puissance liée à l’identification à une qualité du Soi touchait à sa fin car depuis des mois la prise de conscience passait de celle de son comportement à celle de ses émotions puis à celle des représentations, (mises en images dans les rêves et les fantasmes).
A l’âge de 5 ans, ou 6 ans elle était partie vivre avec son père et non chez lui, éprouvant dans une problématique œdipienne réactivée, un amour fou pour cet homme, amour qu’aucun tiers ne venait atténuer, ni une autre femme, ni des paroles paternelles faisant limites et discernement de la différence des générations.
Il était évident aussi pour cette patiente que le problème de l’amour était récurrent dans les lignées et particulièrement chez les deux grand-mères dont l’une vivait en femme fatale et l’autre en grenouille de bénitier. De ce fait sa problématique avait des racines lointaines : elle avait puisé dans l’inconscient familial le modèle de sa compensation à son vécu d’abandon.
Mathilde venait de dire « c’était super » traduisant en mots ce vécu d’élation, de grandiosité d’un moi possédé par une composante du Soi. Vous noterez que ce peut être une autre composante qui s’empare de quelqu’un, mais la plupart du temps avec une prédisposition se trouvant dans la problématique des lignées : Cela peut être la beauté, l’unité, la force, sous la forme d’une quelconque divinité des nombreux panthéons humains.
C’est avec cette inflation qu’il s’agit de se confronter pour réintroduire de l’humain, ici et maintenant dans l’espace transférentiel. Je lui propose pour ce faire une constatation dure à digérer, je lui propose de dire « C’est » en lui exprimant l’hypothèse suivante qui commence à avoir valeur d’interprétation : « Mathilde, l’amour ne vous appartient pas. Il est une composante du Soi et cette composante passe à travers vous, vous ne pouvez la posséder sans dommages. Ici, aujourd’hui vous me dites que vous êtes en train de perdre cette possession ».
Elle lève les yeux et me regarde, reprenant contact avec de l’humain par ce regard, le cherchant dans le silence. Puis prenant la parole : « Je comprends, il n’y a pas d’amour sans liberté ; mon mari était assoiffé de me posséder et moi j’étais assoiffée de l’aimer. Ce disant, Mathilde traduisait la composante orale de sa difficulté, le feu qui sort de la bouche du dragon. « Cette absence de liberté m’a coupé de l’amour, coupé les ailes de l’amour ». Je reproduis le modèle de mes parents qui pour retrouver la liberté sont passés par la haine et la séparation. Ils ne peuvent toujours pas se quitter du regard et des paroles négatives. Cette horreur d’enfance continue. »
Je ressens dans les tensions de mon corps qui écoute les tensions de son corps et ses émotions et dans ma compréhension du cheminement de la séance qu’il est temps de reprendre les choses dans le transfert.
« Ce qui est présent là entre nous se situe à deux niveaux me semble-t-il. Il y a l’enfant en vous, que vous vous efforcez d’accueillir, il y a la femme qui écoute cet enfant et s’efforce de l’entendre dans sa détresse. Je vous accompagne dans cette écoute. Ce qui est là dans le transfert suscite au fond de moi ce qu’il y a de plus maternel et qui me dit de prendre cette petite fille dans les bras. Je le considère comme une invitation à le faire par vous-même car je ne suis pas votre mère. Comment allez-vous vous y prendre pour reprendre cette enfant dans les bras de votre cœur ?
Et puis il y a l’homme en face de la femme qui ressent de l’inviter à écouter cette liberté d’aimer et la limite qu’elle inclut. Je suis en face de vous pour vous accompagner jusque dans l’écoute du lieu de la douleur en vous. Et là je vous invite à poser votre conscience comme un duvet de plumes sur ce lieu de la douleur et d’oser passer à travers, au-delà. C’est cette liberté qui m’a fait vous souligner à deux reprises la règle de la non-concrétisation de l’éros, la règle du non passage à l’acte. »
Un long silence s’ensuivit et Mathilde reprend la parole. « Je cherche, je cherche mon âme ».
Je laisse quelques instants le silence continuer à se déployer et lui dis doucement : « Erreur de méthode, l’âme s’écoute »… Le silence change…. il devient habité, et j’écoute et ressens qu’en elle au-delà de l’espace de douleur qui est localisable au-dessus du plexus solaire, se creuse un nouvel espace qui lui, est vide et plein. C’est l’espace du Soi d’avant la dé-intégration de la composante amour. C’est tout fragile et combien émouvant. C’est au contact comme moelleux. Nous partageons dans le silence cette sensation et c’est un instant de numinosité où la vie se propose comme un bourgeon de fleur en éclosion.
Je lui dis « Vous ressentez ? »
« Oui » répond-elle ;
« C’est tout doux, l’amour c’est pas la puissance ».
A présent, je voudrais vous proposer une réflexion de Jung sur l'axe Moi- Soi. : voici un des rêves de Jung (3)
« J'avais déjà rêvé une fois à propos du problème des relations entre le Soi et le Moi. Dans ce rêve d'autrefois je me trouvais en excursion sur une petite route; je traversais un site vallonné, le soleil brillait et j'avais sous les yeux, tout autour de moi, un vaste panorama. Puis j'arrivai près d'une petite chapelle, au bord de la route. La porte était entrebâillée et j'entrai. A mon grand étonnement, il n'y avait ni statue de la Vierge, ni crucifix sur l'autel, mais simplement un arrangement floral magnifique. Devant l'autel, sur le sol, je vis, tourné vers moi, un yogi dans la position du lotus, profondément recueilli. En le regardant de plus près, je vis qu'il avait mon visage; j'en fus stupéfait et effrayé et je me réveillai en pensant : « Ah! Par exemple! Voilà celui qui me médite. Il a un rêve, et ce rêve c'est moi. » Je savais que quand il se réveillerait je n'existerais plus. ».
C'est une parabole : mon Soi entre en méditation, pour ainsi dire comme un yogi, et médite sur ma forme terrestre. On pourrait dire aussi : il prend la forme humaine pour venir dans l'existence à trois dimensions, comme quelqu'un revêt un costume de plongeur, pour se jeter dans la mer. Dans sa forme terrestre il peut faire les expériences du monde à trois dimensions et par une conscience accrue, progresser vers sa réalisation.
Le personnage du yogi représenterait, en quelque sorte, ma totalité prénatale inconsciente...la méditation du yogi « projette » ma réalité empirique.
Notre base est la conscience du moi, un champ lumineux qui constitue notre monde et qui est centré sur un, point focal : le moi. …. Le renversement, indique que, de l'avis de « l'autre côté en nous », notre existence inconsciente est l'existence réelle et que notre monde insolent est une espèce d'illusion ou une réalité apparente fabriquée en vue d'un certain but, un peu comme un rêve qui, lui aussi, semble être la réalité tant qu'on s'y trouve plongé.
La totalité inconsciente me paraît donc être le véritable spiritus rector, l'esprit directeur, de tout phénomène biologique et psychique.
Pour l'homme la question décisive est celle-ci : te réfères-tu ou non à l’infini ? Tel est le critère de sa vie.
Henri de Vathaire