Psychanalyse du courage

 

Trois textes vont développer chacun une réflexion sur la notion de courage à partir d’éléments cliniques, biographiques et théoriques :

Ce texte-ci constitue une synthèse des trois.

Collège de Psychologie Analytique, psychanalyse jungienne

Tenter de comprendre ce qu’est le courage, sous un angle psychanalytique nous est apparu devoir se faire aussi à partir de situations positives, pas seulement au prisme du négatif : regarder quand ça fonctionne au plus, plutôt que quand ça dysfonctionne et revenir éclairer ce qui se passe quand ça dysfonctionne.

 

S’il est un point commun dans la manière de définir le courage, à savoir le dépassement lucide de soi, la question se formule de deux manières différentes : suis-je relié au courage ou le courage se manifeste-t-il en moi comme conséquence d’une certaine façon d’être relié, relié à quoi, au demeurant? 

 

Le courage pourrait dépendre de la présence ou l’absence de la fonction transcendante, pour des raisons psychopathologiques. Fonction transcendante qui permet le dépassement d’un conflit intérieur inhérent à la mobilisation du courage en soi-même. Dès lors le courage reposerait sur la constitution de l’axe moi-soi mais également sur l’éthique de cet axe. En fonction de la psychopathologie, dans certaines situations le courage serait mobilisable et dans d’autres, non. 

Le courage marquerait le choix éthique de naître autrement au prix du sacrifice de l’état présent, actuel.

 

Mais le courage procède-t-il d’une construction de la conscience  ou d’un branchement sur l’instinct de vie? Si rester en vie et se confronter à la vie est considéré comme premier, alors les conduites de fuite, d’évitement de la vie, de la réalité, nuisent à l’individuation. Ce qui conduit à considérer le courage comme une ressource naturelle de la personnalité. Cette ressource serait à mobiliser pour passer de la position schizo-paranoïde à la position dépressive, c’est-à-dire pour sortir des problèmes de façon réaliste et pas égotique. La ressource de courage apparait également nécessaire à la décision éthique de dissolution d’un noyau mélancolique, avec ou sans bénéfices secondaires associés.

 

Que se passe-t-il, dans le courage, qui anime quelque chose de fort en face des autres? S’agit-il d’un mouvement de nature archétypique, en lien avec le soi? Déployer le courage fait prendre un risque, en lien avec la possibilité de mourir. Mais pour envisager de mourir, d’accepter de mourir des conséquences du courage, encore faut-il se sentir vivant ou vivante. Or la psychopathologie comprend nombre d’expressions de la peur de vivre, qui est peur de mourir. On comprend par là que le courage devient dans certaines configurations pathologiques une voie impraticable.

 

Si le courage émane d’une dynamique instinctuelle de vie, qui correspond à la vie comme objectif premier de l’être vivant, cela peut aussi s’entendre au sens de la représentation que j’ai de qui je suis. La question peut alors se poser de savoir si l’instinct a à voir dans cette situation. 

 

C’est aussi la question posée par certains prématurés : le personnel médical les trouve courageux, or ils sont en train de se battre pour survivre. C’est questionnant dans la mesure où on ne peut pas alors dire qu’il s’agit d’une représentation ; l’enjeu est de vivre, tout court. Plus encore, ces prématurés étaient arrivés avec une condamnation à mort. On les a fait vivre. Ce qui met en lumière la nécessité de l’autre, pour vivre, l’autre en nous-même, dans la réalité interne, et l’autre de la réalité externe. C’est un phénomène au delà du moi. 

 

L’autre sur lequel prendre appui dans le courage serait la vie-même, le soi.  Au plan théorique, la double notion de soi primaire et soi relationnel, d’E. Neumann soutient cette hypothèse. Le courage vital émanerait d’une mobilisation du soi primaire. Mais dans le même temps, il faut un minimum d’accrochage, pour humaniser, il faut un soi relationnel activé. Un soi relationnel qui pourrait soutenir et exiger le dépassement du courage en acte sacrificiel. Un sacrifice pour autant pas totalement dénué de narcissisme dans la mesure où il reposerait alors sur ce qui fait valeur pour la personnalité, en fonction de ses réponses personnelles aux questions de savoir ce qu’être vivant signifie, quelle valeur ça a et dans quelles conditions ça a de la valeur. 

Il s’agit d’un narcissisme positif, repérable à l’humilité qui l’accompagne. Une humilité qui montre que le moi ne s’identifie pas à l’énergie archétypique qui le traverse, qui l’anime. Cela constitue l’inverse de ce qui se passe dans le cas de l’inflation morbide du moi découlant de l’envahissement par une énergie archétypique.

 

Comment le soi primaire s’anime-t-il pour un individu et comment cela se passe-t-il  pour le collectif? Nous avançons l’ hypothèse d’un branchement archétypique mais dans le même temps collectif, au service de tous. Certaines personnes peuvent réaliser des actes héroïques, branchées au collectif. Schindler peut être considéré comme courageux, au service du collectif ; il est porté par une dynamique liée à son appartenance au collectif. Puis, après la guerre, il reprend le cours ordinaire de sa vie. Il s’était relie à l’humain, mais à l’humain en lui : il a rejoint son appartenance à l’humanité, en lui-même. Revenant à sa vie, il retrouve son épaisseur personnelle, son histoire et son actualité.

 

Synthèse écrite par Cyrille Bonamy, Martine Gauthier, Marie-Christine Simon.

 

Nous avons réfléchi  à trois, ensemble pour commencer, puis individuellement. Ensuite nous avons proposé nos travaux aux membres du Collège de Psychologie Analytique. Nous avons poursuivi l’élaboration en groupe, dans la perspective d’une synthèse.